Imaging & Energy Solutions

Blog

J'ai peur !

J’ai peur !

Lettre ouverte aux ministres de l’énergie de Belgique,

La centrale nucléaire Doel 3 a été mise à l’arrêt. Permettez-moi en tant que citoyen, père et grand-père, d’exprimer quelques craintes. Ces craintes, mesdames et messieurs les ministres, sont entre-autres le résultat d’une lecture du « Rapport Annuel 2021 » de la FEBEG (1) et du rapport « Energy Key Data – Edition juillet 2022 » du SPF Economie (2).

La centrale nucléaire de Doel 3 est dotée d’une puissance de 1.006 MW. Ceci représente à peine 3,6% de la puissance totale installée de 27.957 MW (source : rapport de la FEBEG).

Par contre, cette même centrale de Doel 3 produit à elle seule 8,4% de la quantité d’énergie électrique annuelle totale, toutes capacités de production confondues. Elle représente à elle seule plus que tous les panneaux photovoltaïques installés (5,8%) et plus ou moins 2/3 de la production annuelle totale des éoliennes (12,2%), onshore et offshore (année 2021 comme référence).

Suivant le planning publié sur le site de l’AFCN (https://afcn.fgov.be/fr/dossiers/centrales-nucleaires-en-Belgique),  la centrale nucléaire Tihange 2 sera aussi mise à l’arrêt le 1er février 2023. Dotée d’une même puissance que celle de Doel 3, elle produit donc à elle seule aussi 8,4% de la quantité d’énergie électrique annuelle globale en Belgique.

J’ai peur !

J’ai peur car dans un laps de temps de 4 mois (c’est très court !), la Belgique va perdre 16,8% de l’énergie électrique générée sur son territoire, soit la quasi-totalité de l’électricité qui provient du renouvelable, éolien et photovoltaïque !

J’ai peur car d’ici la fin 2025, Doel 1, Doel 2 et Tihange 1 vont également être mis à l’arrêt, soit encore une baisse d’énergie électrique de 15,4%. Ceci correspond donc à une perte cumulée d’énergie électrique de 32,2% d’ici fin 2025, soit un tiers de la production belge actuelle.

J’ai peur car il ne faudra pas compter d’ici-là sur le renouvelable. La puissance éolienne installée fin 2021 représente 18% de la puissance totale installée en Belgique. Malheureusement, elle ne participe que pour 12,2% dans l’énergie électrique produite. C’est encore plus flagrant pour le photovoltaïque qui avec ses 25,5% de la puissance totale installée ne produit que 5,8% de l’énergie électrique annuelle (en 2021).

Cette baisse de production belge d’énergie électrique n’est, à mon avis, que le résultat d’un manque de clairvoyance et de vision à long terme de nos divers Gouvernements belges depuis 2003. A court terme, on devra compenser cette perte par des importations massives d’électricité et/ou des productions avec des énergies fossiles. Les centrales au gaz ayant été à maintes reprises critiquées dans les médias ces derniers mois pour leurs rejets de CO2 et NOx.

J’ai peur car les politiques relatives à la transition énergétique nécessaire pour le climat visent pour la plupart « un tout électrique ». Voitures électriques, chauffage électrique via les pompes à chaleur, … ne feront qu’augmenter la demande en énergie électrique. L’écart entre une offre d’électricité belge en baisse, suite aux diverses (in)décisions politiques anciennes et récentes, et une demande d’électricité croissante, incitée par des primes et mesures fiscales pour des motifs climatiques dictés par l’Union Européenne, ne fera que grandir. Et une demande qui dépasse l’offre influence les prix des énergies dans le sens que nous ne souhaitons pas. La fin de la pression sur les prix des énergies n’est probablement pas pour demain.

J’ai peur car, lors de la journée d’étude de l’ATIC (3) du 14 septembre dernier sur « La transition énergétique dans les habitations collectives et les immeubles de bureaux : défis », monsieur Samuel Furfari (4) expliquait qu’une population mondiale croissante avec un niveau de vie moyen mondial croissant lui aussi ne fera qu’augmenter le besoin mondial en énergie dans le futur. Une teneur similaire se retrouve aussi dans la publication « Disorder » de Helen Thompson récemment commentée dans divers médias. Ceci ne fera qu’accroître la pression sur les marchés d’énergies.

Notre sécurité d’approvisionnement énergétique et un niveau de prix abordable n’étaient-ils pas deux critères fondamentaux à respecter ?

J’ose malgré tout encore espérer que les contextes géopolitiques et énergétiques, actuels et futurs, feront réagir certains de nos décideurs pour rectifier, si c’est encore possible, la situation actuelle. Il est à mon avis primordial d’éviter un appauvrissement de la population, tant énergétique que financier. Il est temps de quitter les décisions de principes idéologiques à court terme et d’en arriver aux décisions visionnaires à moyen et long terme. Sinon les récentes paroles de notre premier ministre Alexander De Croo concernant « les 5 à 10 hivers difficiles » (5) pourraient être une sous-estimation de ce qui nous attend.

Dans l’attente lire vos plans d’actions (concertées ?), veuillez agréer ma sincère considération.

Ivan Piette

 

(1)   Rapport annuel FEBEG : https://www.febeg.be/fr/rapport-annuel-2021

(2)   Rapport SPF Economie : https://economie.fgov.be/nl/publicaties/energy-key-data-februari-2022

(3)   ATIC Association Royale de la technique du chauffage de la ventilation et de la climatisation  info@atic.be

(4)   Samuel Furfari : Senior official DG Energy, EC (retired) - President of SEII - Prof Energy Geopolitics, ESPC London

(5)   Interview Alexander De Croo : https://www.vrt.be/vrtnws/nl/2022/08/22/premier-de-croo-waarschuwt-komende-5-a-10-winters-gaan-moeilij/

 

Ivan Piette